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La lingua franca des sciences

En bref

L’anglais n’est pas l’idéal pour transmettre des idées et des concepts de manière efficace. Il n’est pas assez précis et implique une inégalité entre les scientifiques basé non pas sur leurs qualités de scientifiques, mais sur leurs origines et leurs niveaux sociaux.

Genèse

Durant un de mes post-doc, je me suis retrouvé sur la terrasse d’un campus universitaire, entouré de collègues. Il y avait dans ce groupe des représentants d’Italie, d’Allemagne, de France, de Russie, de Serbie et de Suisse. Comme à l’accoutumée, nous parlions anglais. Durant cette pause, nous ne parlions plus de travail, mais de la vie de tous les jours, de politique et autres. Hors de nos sujets habituel, le dialogue n’était plus aussi fluide que dans nos lab-meeting et journal clubs. Prenant du recul, je me suis vu, entouré de cette diversité, parlant chacun une langue qui ne nous appartenait pas. A ce moment, je ressentais un manque de logique et d’optimum dans la situation actuelle.

J’ai ainsi été amené à me questionner sur la langue que l’on utilise pour communiquer entre scientifique et sur l’état actuel de la situation.

Coût de l’apprentissage de l’anglais

Pour une vaste majorité de scientifique, l’anglais est une langue étrangère. Cela se traduit par le fait que l’on doive passer par la phase « Étude de langue seconde » qui commence, dans le meilleur des cas, durant l’enfance. L’école nous donne des notions de base, mais le niveau atteint permet à peine d’avoir une discussion de base Hutterli 2013. A l’entrée à l’université, on sent le besoin de se mettre à niveau. Pour les chanceux, ils pourront passer une année d’échange aux Etats-Unis ou en Grande Bretagne, ou s’offrir des cours de langues. Mais pour une bonne partie, cela se passera par un apprentissage solitaire et lacunaire. Dans tous les cas, cela se traduit par un investissement en temps et en argent.

Tout ce temps passé à étudier l’anglais, est perdu pour l’apprentissage d’autres matières.

C’est là qu’une inégalité apparaît entre les futurs scientifiques anglophones et les autres:

Les anglophones pourront investir tout leurs temps d’étude à celui des matières scientifiquement pertinentes alors que les autres devront en utiliser une partie pour l’apprentissage de l’anglais.

Niveau d’anglais

Bien que l’on soit tous persuadés d’avoir un bon niveau d’anglais, il nous suffit d’ouvrir un roman anglophone ou de partir dans un pub anglais pour réaliser son erreur. Preuve en est les conseils donnés par les revues scientifique, comme par exemple Nature : « You may wish to consider asking a colleague whose native language is English to read your manuscript and/or to use a professional editing service[…] ».

Le problème au niveau de l’aisance en anglais se manifeste aussi lors de congrès scientifiques internationaux. Des personnes ayant des questions très pertinentes ne prennent pas la parole, de peur de s’exprimer dans une langue non maîtrisée alors que les anglophones s’expriment avec aisance. Les repas, lors des congrès sont symptomatiques. Combien de fois observe-t-on des groupes se former en fonction de la langue des personnes ? Nous sommes tellement plus à l’aise dans notre langue maternelle !

Monoculture scientifique

La langue maternelle influe sur sa manière de penser et de résoudre des problèmes. L’usage de l’anglais implique, comme décrit plus haut, un avantage, et donc, une prédominance de la pensée anglo-saxonne.

L’espéranto : une alternative

Premièrement, étant une langue neutre, n’appartenant à aucune ethnie, ou plutôt, appartenant à toute l’humanité de manière égale, elle ne privilégie aucune région linguistique. Ayant une base lexicale proche des langues latines et germaniques, accompagné d’une grammaire proche des langues slaves et asiatiques, elle met tout le monde sur un pied d’égalité. De plus, sa régularité et sa logique agglomérante fait qu’avec un petit lexique on peut construire une grande quantité de mots. La courbe d’apprentissage de l’espéranto est très avantageuse pour tous, quelle que soit sa langue maternelle. Ce qui nous amène au deuxième point.

Deuxièmement, sa facilité d’apprentissage la rend accessible à tous. Une année d’apprentissage de l’espéranto équivaut à 10 ans d’apprentissage de l’anglais ! Le temps pour atteindre un excellent niveau est ainsi très bas et son coût très faible. Il n’est donc pas nécessaire d’investir en séjours à l’étranger pour maîtriser cette langue. Un fils d’ouvrier aura donc le même potentiel linguistique qu’un fils de banquier. De plus, son apprentissage étant très rapide, il ne prétérite pas la langue maternelle en laissant le temps aux individus de la pratiquer. C’est en effet un problème de l’anglais. En ne laissant pas assez de temps pour pratiquer sa langue maternelle l’anglais contribue à l’extinction de langues de par le monde. L’espéranto permet donc aussi de sauver la diversité linguistique mondiale.

Troisièmement, l’espéranto est construit d’une tel manière qu’une idée exprimée sera très proche de ce que l’on souhaite exprimer. Sa caractéristique agglomérante et régulière permet d’exprimer des finesses subtiles d’une manière très aisée. Ainsi, le flux des idées ne sera pas péjorée par la faible maîtrise des participants mais plutôt accélérée, facilitée.

Oui, mais…

C’est bien beau comme discours, mais comme personne ne parle espéranto, cela ne sert à rien ! A cela je répondrais de deux manières. Premièrement, en apprenant l’espéranto, on apprend les rouages des langues (connaissance métalinguistique), ce qui rend l’apprentissage d’autres langues plus faciles. Par exemple, il a été montré, dans une école allemande, que des élèves ayant appris durant deux année l’espéranto puis trois ans l’anglais se sont montrés meilleurs en anglais que des élèves ayant suivi cinq ans de cours d’anglais ! Donc, en apprenant l’espéranto, même si personne ne le parle autours de vous, vous aurez gagné du temps.

Deuxièmement, nous ne sommes pas seuls, car l’espéranto connaît un vif regain d’intérêt, par exemple avec duolingo ou Amikumu, une application permettant de mettre en contact des espérantistes rencontrent un vif succès chez les personnes voulant pratiquer ou apprendre l’espéranto.

Troisièmement, l’espéranto peut aider les élèves dyslexiques. Le portail ateliersdys.ch travail par exemple à la création de matériels pédagogiques qui utilise l’espéranto pour aider les élèves à surpasser leurs difficultés.

Conclusion

L’usage de l’anglais implique des inégalités et n’est pas idéale pour une transmission précise des informations. L’espéranto est une alternative idéale à plusieurs aspects. Sa seule faiblesse est, pour l’instant, son faible usage dans le milieu scientifique. Mais son apprentissage permet d’apprendre une autre langue plus efficacement. Un effort initial est nécessaire, mais, s’il est accompli, aura de grands bénéfices pour la recherche.

Une liste des associations d’espéranto dans le monde est visible sur http://www.esperanto.net